Si vous avez lu mes articles précédents, vous aurez compris que je me sens à un carrefour de ma vie de lectrice qui semble s’estomper, pour un temps seulement, je l’espère sincèrement, au profit de mon ardent désir d’écrire, comme je l’avais déjà exprimé dans mon premier essai « Désir d’écrire ». Ce constat m’inquiète mais, en même temps, je me dis qu’il s’agit d’un passage important. Alors, je tente d’élucider ce qui m’habite sans paniquer car lire était toute ma vie.
Aujourd’hui, Impossible aujourd’hui de me raccrocher aux lectures. Je me sens comme un enfant qui, un jour, doit lâcher la main de ses parents, pour oser avancer seul vers sa destinée. Le chemin peut paraitre effrayant. Comment avancer vers un horizon avec foi et ouverture face aux rencontres, aux défis, aux surprises ? Comment s’assumer pleinement ? Comment permettre à ce qui fait ma différence de prendre de l’expansion ? Et ma différence est ma capacité à « capter » l’« autre » et de transposer mes impressions en écriture intuitive, totalement spontanée.
Mais qui suis-je pour oser tracer quelques lignes pour exprimer la flamme de parfaits inconnus ? Le sentiment d’illégitimité s’estompe rapidement lorsque ces inconnus sont touchés et me le communiquent. Alors, je reprends mon bâton de pèlerin et je poursuis ma route jusqu’à la prochaine rencontre, non sans une certaine appréhension. Une fois, une seule, une artiste a été peinée par mes mots. J’avais mis ses failles en lumière sans pour autant dénigrer son grand talent. C’était trop pour elle. Je lui proposai une nouvelle approche qu’elle préféra mais qui ne put effacer l’image initiale. Il me fallut plusieurs jours pour me consoler et retrouver ma confiance légitime. Jamais, je n’aurais voulu blesser qui que ce soit. Ce fut difficile d’oser aller à la rencontre d’autres. Je savais que ce n’étaient pas mes mots qui l’avaient heurtée mais bien le reflet authentique de son combat intérieur qu’elle niait. Je me promis de déployer mes efforts pour ménager mes regards parfois trop percutants et mettre davantage l’accent sur la beauté unique de chaque personne.

Ma mission est de mettre en lumière la beauté des êtres humains, de leurs talents. Comme en témoigne Augustin Trapenard : « Admirer, c’est se mettre en retrait, c’est se mettre en retrait pour apprendre quelque chose de l’autre. » Mais qu’on ne s’y trompe pas, le fait d’animer des émissions télévisées, comme lui, comme moi à mon humble niveau, témoigne d’un besoin immense de reconnaissance. Un vide qui ne semble jamais se combler.

Au terme d’années à me centrer sur mes propres questionnements, à me morfondre, à me donner des injonctions extrêmes en vue de « trouver » le bonheur, d’être reconnue, j’ai découvert qu’être à l’écoute me procure davantage de joie que n’importe quoi d’autre. Je suis fascinée par les parcours humains. En développant mon sens de l’écoute authentique, sans jamais me laisser distraire par des jugements intérieurs qui pourraient surgir, je me mets au service de la personne que j’interviewe pour pénétrer le plus possible dans ses émotions, sa vie, son unicité. La reconnaître. Pour moi, la reconnaissance n’a rien à voir avec le fait d’encenser une personne mais plutôt de reconnaître son unicité, ses talents propres qui la distinguent. Je veux cultiver l’admiration et je suis d’accord avec la pensée d’Auguste Trapenard : « Admirer, c’est renoncer à être le centre du monde. »