Le sang est rouge, les larmes sont transparentes
Rouge. Vif. Tu laisses ta trace. Parfois indélébile. Marquée du sceau de ton passage, tu auréoles
le drap, le chiffon, le bois. Fort et puissant, tu navigues dans les ruisseaux comme dans les
fleuves de la vie. Grâce à toi, l’air circule, l’eau aussi, tout comme ce dont je te nourris. Tu
nettoies même sur ton passage ce qui, à mon corps, ne servira plus. Tu bouillonnes de joie, tu
te figes d’effroi, c’est selon. Tu vis au rythme de mes pas. Ensemble, nous irriguons la chair
jusqu’au trépas dans une danse qui n’en finit pas.
Transparente et fluide, tu es plutôt discrète et ne laisse aucune trace de cet émoi qui pourtant
est la source de ta vie. Ces tourments, ces chagrins, ces colères, tu les traduits dans ton langage
clair qui ne laisse aucun doute sur l’ampleur de la souffrance. D’où viens-tu ? Pourquoi ne
laisses-tu aucun témoignage de ton passage ? Étrange flot qui parfois nous étouffe et nous
laisse pantois devant l’impuissance de l’existence qui nous ampute face aux épreuves, à notre
finitude. Séchée, il ne reste apparemment plus rien de toi. Tu disparais, avalée par ce regard
figé, devenu aride d’avoir trop déversé l’émotion incontrôlable qui laisse pourtant des cicatrices
invisibles sauf pour celui qui sait, qui ressent, qui vibre.
De rouge et de transparence,
les couleurs de l’existence
oscillent entre ce cœur
qui balance et qui tangue
au rythme de la vie
qui accueille le bonheur
et s’incline devant les épreuves
jusqu’à ce qu’un souffle neuf
irrigue, une fois encore,
la danse de nos méandres.
Le sang bouillonne
grouille dans nos veines
irriguant chaque pore
du navire courageux
impatient d’arriver
à bon port.
L’ondée frétille
et brise la toile blanche
tanguant sa folie
au gré des vents fertiles
qu’une larme fendille
émoussée par l’émoi
qu’une brume rebelle
interpelle.